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Comment le numérique transforme la performance opérationnelle des entreprises


source: the Conversation 

Le concept de l’industrie 4.0, initié lors de la foire de Hanovre 2011, symbolise les transformations numériques que connaissent aujourd’hui les entreprises. Le lean management avec son régime « minceur » connaît lui aussi sa 4e révolution avec l’avènement de l’amélioration continue digitale (ou 4.0). Celle-ci, profite de l’incroyable potentiel de l’exploitation des données et de la numérisation des processus. Les entreprises y voient un levier pour repenser la relation à leurs clients et automatiser leurs processus internes dans une culture d’innovation ouverte et d’amélioration de la productivité.

L’amélioration des processus : une idée ancienne pour augmenter la productivité

Au commencement, la révolution industrielle qui marqua le début du 19e siècle inventa l’amélioration continue. Celle-ci s’est construite sur l’optimisation des processus et de la productivité opérationnelle. L’atteinte de cet objectif est passée par une stabilisation des paramètres de l’activité et une validation « scientifique » des savoirs par l’expérimentation. Des outils de mesures, des indicateurs, des références ont été formalisés pour guider l’action et rationaliser l’organisation du travail individuel. L’ouvrage « Principes du management scientifique » publié par Taylor en 1911 précise cette vision emblématique du « Scientific management » et de la rationalisation de l’activité. Dans les années 30, W. Schewart statisticien chez Bell Telephone Laboratories, montre que la performance est d’abord un cycle « d’enquête collective sur l’activité » et d’expérimentation empirique. L’expérimentation sur le terrain s’efforce ainsi de définir le temps d’une tâche élémentaire grâce au chronométrage que l’analyse statistique transforme en standard. Il s’agit ensuite de choisir les employés capables de tenir le rythme fixé.

Ces idées ont été vulgarisées par E. Deming à travers son approche PDSA (Plan, Do, Study, Act) pour organiser le travail et améliorer la performance opérationnelle. Ce qui a largement inspiré l’industrie automobile au Japon.

Dans les années 80, le concept du lean management issu du système de production de Toyota et porté par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) aux États-Unis fait son apparition. Axé sur l’amélioration de la productivité et la suppression des activités sans valeur ajoutée,le lean a souvent été perçu comme le retour d’un taylorisme remis au goût du jour.

L’association de l’amélioration continue et du numérique pour accroître la performance.

Aujourd’hui, avec la révolution numérique et l’avènement du 4.0, plusieurs entreprises repensent leurs modèles d’affaires. Les approches traditionnelles de l’optimisation des processus ne sont plus suffisantes pour faire face à un besoin permanent d’innovation pour délivrer la valeur attendue par les clients. Les secteurs de la banque, des télécommunications ou du e-commerce sont particulièrement représentatifs de ces transformations numériques des processus.

Dans ces secteurs, la vision renouvelée de l’amélioration continue se structure autour de l’expérience client, la refonte des processus opérationnels et le retour sur investissement. L’analyse des données massives est un point capital dans ce modèle et surtout dans sa relation avec l’expérience client et la rationalisation des processus opérationnels existants. La question de l’agilité de l’organisation est une condition importante pour y arriver. Mais beaucoup d’entreprises n’ont pas encore mis en place une stratégie commune pour coupler amélioration continue et transformation numérique.

L’expérience client : les données changent la donne

La « voix du client », composante essentielle de la proposition de valeur, a longtemps été estimée par échantillonnage et par analyse de corrélations pour identifier et caractériser un problème : une ou des voix clients prépondérantes à résoudre. Désormais, l’analyse des données des usages par des algorithmes d’intelligence artificielle permettent de travailler sur un échantillon de clients plus large et diversifié (forums spécialisés, sites Internet, blogs…) pour produire des connaissances nouvelles sur le client. Cette nouvelle capacité à comprendre la voix du client est au centre de ce que l’on peut qualifier « d’innovation opérationnelle agile » et de sa capacité à mettre en place de nouvelles propositions de valeurs.

Pour Amazon, par exemple, l’innovation opérationnelle agile est un mécanisme bien rodé. L’entreprise cherche en permanence à maîtriser sa chaîne de valeur en comblant les trous dans son modèle d’affaire en explorant d’autres innovations. C’est ainsi que cette entreprise a développé sa liseuse Kindle pour favoriser la vente des livres. L’analyse de l’expérience client a permis par la suite de commercialiser cette liseuse prête à l’emploi avec le compte de l’acheteur pré-paramétré afin se connecter plus facilement à la plateforme Amazon.

L’innovation opérationnelle agile représente ainsi un déplacement de la valeur de la simple distribution vers l’expérience client. Dans ce cadre, disposer de connaissances fines sur les clients pour repenser les processus n’a pas de prix !

L’automatisation des processus opérationnels et impacts sur l’organisation

L’optimisation de l’expérience client a nécessité, dans plusieurs cas, une simplification et une automatisation des processus opérationnels. Les traitements manuels disparaissent peu à peu pour se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée. C’est donc un moyen pour les entreprises de gagner rapidement en productivité en combinant l’automatisation des processus et l’intelligence artificielle. L’arrivée de ces nouveaux outils transforme radicalement certains flux de l’entreprise.

Dans le secteur bancaire, automates en agences, opérations à distance via les smartphones, automatisation des processus d’instruction des dossiers clients et sa dématérialisation s’accélèrent avec le numérique et l’algorithmique. La société générale a ainsi annoncé récemment l’automatisation de 80 % de ses processus internes d’ici à trois ans pour réduire ses coûts et améliorer son bénéfice net par action à l’horizon 2020.

Outre les gains de productivité liés à l’automatisation, les nouvelles organisations managériales doivent composer avec un double mouvement : celui d’une intégration verticale prenant la forme de chaînes de valeur mondialisées et des plates-formes numériques collaboratives qui proposent au client de suivre en temps réel l’avancement de sa commande. Celui d’une intégration horizontale où les salariés, les machines et les équipements sont connectés à travers des systèmes d’information et une reconfiguration dynamique des processus de travail. Dans cette vision renouvelée de l’amélioration de la performance, la recherche d’un niveau optimal d’investissement devient un défi pour les entreprises. Des investissements orientés de plus en plus vers les segments de production jugés les plus rentables et identifiés par l’analyse de la voix du client.

La recherche de l’investissement cible

L’innovation opérationnelle agile peut résulter aussi de l’allègement des dépenses d’investissement et par l’optimisation de la capacité et des actifs déjà installés. Le contrôle des dépenses en immobilisations est un des piliers stratégiques de l’innovation opérationnelle agile. Le partage des actifs coûteux constitue une piste privilégiée par plusieurs entreprises par un travail sur la structure des coûts et du CAPEX (CApital EXpenditure) « cibles ». Une vision basée sur l’analyse des coûts par activité permet de relier réduction des coûts et valeur créée.

L’utilisation de plateformes mondiales pour atteindre des marchés locaux permet aussi à certaines entreprises de mutualiser l’investissement. Par exemple, la plate-forme de diffusion télévisée Hulu est détenue par NBC UniversalFox et Disney-ABC Television Group qui bénéficiant des effets de réseau et d’une audience plus large de Hulu. Le développement de plates formes numériques vise également à éviter les « déséconomies » d’échelle qui résultent de la possession de nombreux points de ventes dans de nombreux endroits.

L’argument souvent avancé est qu’il est beaucoup plus efficace pour une entreprise de réduire ou de franchiser une partie de ses points de vente au détail que d’exploiter des centaines de petites boutiques ou agences constituant une part importante de coût fixe. L’avantage supplémentaire est que les franchisés gèrent les magasins en tant que propriétaires et non en tant qu’employés, ce qui représente une forme d’incitation et de motivation.

 

source: The conversation